Tentation, récompense et prédictivité : mythe religieux, fiction socio-économique et biais cognitif 1/3

Rédigé le 10/04/2025
Jean-Louis Lascoux

De la naissance d’un biais cognitif en neurosciences sur la motivation jusqu’à l’émergence d’une nouvelle approche scientifique

Et si l’une des idées les plus ancrées de notre culture scientifique et sociale – la théorie de la récompense – reposait en fait sur un biais cognitif majeur ? Allez-vous accepter d’être confronté à un constat qui peut remettre en question les fondamentaux de votre culture, depuis votre religion jusqu’à votre conception de certains piliers de votre conception de la science ? Ce texte propose d’examiner une alternative qui replace la motivation humaine dans une dynamique d’ajustement immédiat plutôt que dans une quête de gratification différée. Mon propos est donc ici une application méthodologique de la théorie du cerveau corrélative et de l’harmonisation ajustative – TCC-HA, laquelle implique bien plus qu’un changement d’approche de la motivation, mais c’est déjà là une première démonstration.

Processus d’un ancrage culturel

Les interprétations issues de la psychologie combinées aux recherches expérimentales ont progressivement ancré des modèles d’autorité dans la culture. Par exemple, la notion d’inconscient, au sens où Freud l’a défini, est devenue banale, comme s’il s’agissait d’une réalité cérébrale. Des biais culturels sont ainsi diffusés sans qu’il puisse être remis en question, tant les cognitions cardinales sont prégnantes. Ainsi en va-t-il de la plupart des théories de la récompense qui font considérer le cerveau comme une machine à minimiser l’incertitude et à anticiper les résultats des actions

A suivre l’évolution de la notion de récompense, en particulier dans les observations scientifiques et les neurosciences, on peut en arriver à conclure que c’est un acquis, l’humain et avec lui le monde animal, voire l’ensemble du monde et de l’existence, fonctionne dans des rapports de désir, d’envie, de calcul, de projection, une fixation sur le futur. D’ailleurs, on peut puiser dans les religions, où se retrouvent mêlées la jalousie, la prédation, l’intentionnalité, la volonté.  Il n’est donc pas étonnant que plusieurs champs d’études se fassent les échos de cette représentation. Il est donc très audacieux de mettre les pieds dans ce plat servi depuis tant de siècles comme ce qui caractérise l’humain, entre autres. 

Les difficultés pour changer de paradigme

Plutôt que d’explorer les dimensions mystiques et mythiques, nous nous concentrerons ici sur les théoriciens les plus récents ayant érigé la récompense en principe structurant du comportement humain. Ce panorama met en lumière les grandes figures qui ont contribué à façonner cette théorie, tout en soulignant le biais cognitif sous-jacent. Car, au fond, la question posée est bien celle-ci : et si cette conception était fondamentalement erronée ? 

Remettre en question la théorie de la récompense, c’est un peu comme remettre en question la théorie des humeurs, le vitalisme, l’instinct maternel ou la phrénologie. Au XIXᵉ siècle, cette dernière, avec son idée de ‘bosse des maths’, postulait que l’intelligence et les aptitudes cognitives étaient directement visibles sur le crâne. Elle s’est imposée comme une évidence scientifique pendant des décennies avant d’être invalidée. De la même manière, la théorie de la récompense repose sur une hypothèse séduisante mais non démontrée dans sa globalité. N’empêche, appréciez quand même l’ingéniosité qui se déploie à partir d’une idée qui peut bien être fausse. Voyez la liste d’auteurs qui ont partagé ce biais en le confortant par l’ajout de leurs propres théories faisant du concept initial une vérité scientifique. Ainsi, le concept de récompense est devenu pertinent et la manière dont les textes sont rédigés en font une idée évidente qu’il faudrait critiquer avec nuance.

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  • Tentation, récompense et prédictivité : mythe religieux, fiction socio-économique et biais cognitif de la motivation 1/3 (10 avril)
  • Les influenceurs de la pensée unique et dogmatique sur la motivation 2/3 (11 avril)
  • La théorie de la motivation par la récompense revue par les théories de l’ajustativité 3/3 (12 avril)